Commentaire
Présentation de la fiche
- Fiche structurée, d'un abord facile, qui permet de visualiser rapidement les phases et les contenus de la séance.
Déroulement de la séance
- La séance s'organise en trois parties principales de durée identique (15 mn), supportée par un diaporama constitué de 10 diapositives (en ligne).
- S'il est évident que la première partie se conduit à partir d'un cours dialogué, il n'en est pas de même pour la deuxième partie consacrée à l'analyse d'une caricature. On pouvait s'attendre à ce que celle-ci constitue la tâche proposée à l'élève, moyennant une aide méthodologique sous forme d'une grille d'analyse. Mais si cette grille conduit bien l'analyse, elle guide surtout l'intervention de l'enseignante qui poursuit son cours dialogué. La grille n'est en effet distribuée aux élèves qu'à la toute fin de la séance (phase d'institutionnalisation). La partie 2 permet donc l'exposé de savoirs procéduraux censé accompagner les élèves dans le processus complexe d'analyse d'une caricature à partir d'une étude de cas.
- Pour la partie 3, alors qu'on attendait une activité d'application de cette méthode sur un autre cas, c'est une activité de création qui est proposée. Les élèves, organisés en groupes, sont invités à mobiliser les informations du cours pour imaginer des idées de caricatures à partir du sujet imposé « Journée sans tabac ». Le bilan que fait l'enseignante montre que l'implication des élèves est une réussite, bien que le sujet proposé ait été jugé « inintéressant ».
Méthode pédagogique
- Les éléments du savoir de référence (Caricature, Message) sont livrés en amont par la professeure. C'est elle également qui rédige la synthèse du cours dans une fiche récapitulative. Les élèves, s'ils disposent d'un temps pour mobiliser les informations reçues (phase d'activité de création), ne disposent pas de temps pour structurer verbalement ces informations en connaissances. L'activité de création a pour but principal de faire appliquer les informations délivrées et de s'assurer globalement de leur bonne réception.
- Par ailleurs, le cours progresse globalement en s'appuyant sur un dialogue avec la classe. Celui-ci semble très cadré et repris sous la forme d'une fiche de synthèse. En conséquence, la méthode employée nous semble interrogative et dirigée, tendant davantage vers le modèle transmissif que vers le modèle constructiviste.
Objectifs d'apprentissage
- A la lecture des objectifs inscrits sur la fiche et à partir de notre analyse de la séance, les principales notions structurant celle-ci se révèlent bien être « Caricature » et « Message ». Mais si « Caricature » est abondamment traitée dans la partie 1, « Message » ne fait l'objet d'aucun traitement didactique et est considéré comme un pré-requis dans la partie 2 où l'on s'en tient à « déduire le sens / le message transmis par le dessinateur ».
Didactisation du savoir
- Il est intéressant de voir ces deux notions, « Caricature » et « Message », abordées dans le cadre inclusif de l'information-documentation plutôt que dans le cadre exclusif de l'éducation aux médias (EAM). Les objets d'étude et d'apprentissage relatifs à la communication et aux médias ont en effet, et d'un point de vue aussi bien épistémologique que didactique, vocation à être traités en formation info-documentaire. Rappelons que l'information journalistique ( info news ) est l'une des dimensions épistémologiques de la notion « Information ». A ce titre, les deux notions « Caricature » et « Message » réclament un traitement didactique pris sous l'angle de l'information-documentation, lequel est plus précis et plus spécifique que celui proposé par le CLEMI dont la vocation est transdisciplinaire.
- La notion « Caricature » est abordée dans la partie 1 de la séance par la typologie (nous ajouterions volontiers à la définition de la notion l'origine étymologique du mot « caricature », qui vient de l'italien caricare, « charger » !). Le questionnement proposé à la classe amène ainsi à enchâsser la caricature dans la catégorie des dessins de presse et ceux-ci dans celle de l'image. L'entrée par la typologie est en effet essentielle si l'on veut faire prendre conscience aux élèves que « Caricature » est une notion info-documentaire et, en l'occurrence, un sous-type de « Document ». Le terminogramme conceptuel peut ainsi être formulé :
. Document > Image > Dessin > Caricature
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La notion “Image” est principale ici. Considérée comme un type de document, « document iconographique » plus précisément, elle permet d'appréhender la caricature, en l'occurrence, dans le cadre de la relation entre une information et un support d'une part, et de son rapport à l'auteur d'autre part, notamment dans une situation de communication pour le cas présent. Précisons que l'information peut se décliner en types (journalistique, documentaire, diégétique...) et en formes (texte, image, son) et qu'on aura par ailleurs intérêt à élargir la notion de « Support » à celle de « Média » au travers de ses trois dimensions (média-canal, média-source, média de masse).
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Cette entrée en matière permet d'appréhender de manière plus structurée l'approche didactique de l'image et, dans le cas qui nous intéresse, de la caricature :
- sous l'angle du document :
- analyser le contexte de la caricature saisie en tant que document : sa place dans le périodique (hiérarchie de l'information) et dans la page (disposition, taille), son rapport avec le titre et le texte de l'article, avec la légende.
- sous l'angle de l'information :
- les types d'information à relever dans l'image : journalistique (la référence à l'actualité : événement, enjeux, personnes, date), documentaire (la référence à un thème et à un domaine de connaissance) et diégétique (la narration, la mise en scène)
- les formes de l'information à relever dans l'image : iconique (les figures de rhétorique à l’œuvre : métaphore, allégorie, stéréotype, etc. ; la composition de l'image : cadre, angle, plans, procédé technique, couleur, etc.), textuelle (texte intra ou extra-iconique : légende, bulles, étiquettes, onomatopées, etc.)
- sous l'angle du support élargi au média : le média-canal (imprimé, en ligne), le média-source (titre, ligne éditoriale, discours du périodique) et média de masse (presse, web)
- sous l'angle de l'auteur : identité, notoriété, autorité, énonciation
- sous l'angle de la communication :
- le dispositif médiatique (support, canal, caractéristiques de la diffusion, source, cible, etc.),
- la fonction de la communication (propagande, information, satire, commentaire, illustration, divertissement, etc.)
Bien évidemment, ces éléments doivent étayer une analyse qui portera sur le sens inscrit dans un message qui est lui-même porté par une situation particulière de communication.
- La notion « Message » est peu développée du point de vue de la didactique dans cette séance. Pour autant, le message véhiculé par l'image semble être la cible de l'analyse proposée aux élèves dans la partie 2. Il est vrai que cette notion, pourtant au cœur de toute situation de communication basée sur la transmission et l'échange d'information, est peu traitée d'un point de vue didactique. Chacun s'en réfère au sens commun qui lui paraît sans doute suffisant. Un détour par l'étymologie et les sciences de l'information et de la communication pourrait jeter les premières bases d'une didactisation souhaitée de cette notion info-documentaire :
- l'approche étymologique : elle nous est fournie par le Dictionnaire historique de la langue française dirigé par Alain Rey (Le Robert, 1995). « Message » est dérivé de l'ancien français mes « envoyé, messager », lui-même issu du bas latin missus « envoyé », participe passé de mittere « envoyé ». Il a conservé son sens originel de « contenu d'une communication faite à quelqu'un ». Quelques exemples de la famille de mots dérivés montrerait aux élèves la fortune de ce mot et son rôle dans toute la gamme des situations de communications possibles : « missive, missile, messager, messagerie, messe, mission, missionner, missionnaire, émission, émettre ». L'étendue sémantique, notons-le, couvre aussi bien le contenu de la communication, que son vecteur de transmission, sa situation de communication et son émetteur. A noter que le message peut désigner, par attraction métonymique, à la fois un document (lettre, mail, texto) et le contenu informationnel de ce document.
- l'approche scientifique : le Dictionnaire encyclopédique des sciences de l'information et de la communication de Lamizet et Silem (1997) est l'un des rares dans sa catégorie à proposer une définition exploitable de la notion. Le message y est en premier lieu caractérisé par son contenu. C'est « *un ensemble d'informations communiquées d'un partenaire à l'autre de l'échange dans le cadre d'une situation institutionnelle ou interpersonnelle de communication* ». La notion « Information » est ainsi inextricablement liée à celle de « Message ». L'entrée didactique décrite plus haut (types et formes de l'information contenue dans le document iconographique) se révèle donc pertinente et incontournable. Mais toute information, dès lors qu'elle irrigue une situation de communication, doit être plus que jamais perçue sous l'angle du sens, lequel sens peut sensiblement différer selon que l'on considère les points de vue de l'émetteur, du récepteur et du contenu. Rappelons à ce propos que toute information consiste en l'inscription formelle d'un élément de connaissance.
Ainsi les auteurs du Dictionnaire incitent à considérer le message selon ces trois actants :
- Du point de vue de l'émetteur, tout message est conditionné par une situation sociale et par des formes institutionnelles d'émission (par exemple le média-source qui le publie). Il convient par ailleurs de distinguer entre le message, qui fait l'objet d'une émission, et le discours, qui fait l'objet d'une énonciation.
- Du point de vue du récepteur, c'est la question de l'accessibilité qui doit être retenue. La réception du message marque, selon les auteurs, « l'adhésion à un système social et institutionnel de vie et de communication ». Ainsi le lecteur de tel journal accepte-t-il de son plein gré de rejoindre une communauté de référence culturelle dans laquelle il se reconnaît. Il y a, précise l'enseignante dans la fiche de préparation, « nécessité d'un référentiel symbolique commun » pour comprendre le message de la caricature.
- Du point de vue du contenu, enfin, il convient d'examiner la relation entre l'information et le message. L'information porte sur la référence de ce message (de quoi il parle), elle s'appuie sur des contraintes structurelles (pour quelle institution le message est émis) et sur les pré-requis de sa réception (que faut-il pour être capable de le recevoir et de le comprendre).
Il peut donc co-exister, on le voit bien, autant de messages possibles qu'il y a d'actants.
- L'élève, mis devant une caricature qu'il doit analyser et interpréter, est avant tout un récepteur qui fabrique sa propre version du message mais à qui on demande de faire un effort pour percevoir la version de l'émetteur et celle qui est attachée au contenu. La tâche à proposer à l'élève devrait par conséquent l'inciter à se décentrer pour identifier ces deux autres points de vue et finir par les confronter au sien propre. L'analyse du document-caricature devrait ainsi être menée à partir de ces trois points de vue :
- l'auteur (l'émetteur du message) : son autorité, sa notoriété, son engagement et sa responsabilité, les liens qui l'unissent au média-source qui le publie, les champs qu'il investit, sa présence sociale et éditoriale, etc.
- le contenu (l'information contenue dans le message) : le domaine et le thème de référence de la caricature et les traitements médiatique, sociologique, scientifique et/ou politique dont ils font l'objet, le traitement spécifique qu'organise le média-source diffuseur du message à des fins d'instrumentalisation, d'information documentée, de divertissement ou de satire, les connaissances minimales, enfin, qui sont requises pour le comprendre et les procédés iconiques et textuels mis en œuvre pour faciliter sa réception ;
- le lecteur-élève (le récepteur du message) : le but est ici de dégager son propre univers de référence en le mettant à l'épreuve de l'univers de référence attaché aux actants « auteur » (qui est-il pour produire ce message ?) et « contenu » (que faut-il savoir du thème et du discours du média-source pour pouvoir décrypter ce message ?). L'élève doit se demander pourquoi il se pense capable ou non de comprendre le message et pouvoir désigner les éléments facilitateurs ou formant obstacle à cette compréhension : code iconique, code symbolique, code narratif, référentiel culturel, scientifique, historique ou politique. Son univers de référence est-il proche ou éloigné de ceux de l'auteur, du média-source ou des contenus ?
En terme de production scolaire, un schéma simplifié de la communication, comprenant au minimum ces trois actants (on pourrait même dissocier le média-source diffuseur du message du contenu véhiculé) pourrait servir de cadre à la mise en lumière des différentes versions d'un même message. La prise de conscience de la subjectivité, de la relativité de l'information, de la construction de l'information et de la liberté de la presse serait par là-même favorisée.
Évaluation des apprentissages et structuration des connaissances
- Aucune évaluation n'est signalée dans la fiche de préparation de la séance. On peut supposer qu'elle aura lieu ultérieurement, lorsque les élèves auront à étudier une caricature ou un dessin de presse en s'appuyant sur la grille d'analyse qui leur est proposée ici.
- L'activité de création proposée aux groupes suivie d'une mise en commun collective ne permet pas en effet d'évaluer finement et individuellement les acquisitions.
- Une activité de structuration cognitive pourrait, si le temps le permettait, terminer la séance. Individuelle et par écrit, s'appuyant sur un questionnaire (QCM et QROC) et/ou une étude de cas, elle favoriserait le passage à l'abstraction et à la verbalisation en même temps qu'elle fournirait à l'enseignant des informations plus précises sur les acquisitions. Mais les élèves auraient sans doute moins apprécié ! Il faudrait alors réfléchir à des critères permettant, à partir d'une activité créatrice également, la conceptualisation, la structuration des connaissances et l'évaluation de cet apprentissage.
Conclusion
Si la méthode employée, certainement par contrainte de temps, laisse peu de place à l'activité de l'élève pour réellement s'approprier la méthode d'analyse proposée et structurer ses connaissances, cette séance reste cependant une base très appréciable pour le matériel didactique utilisé et mis en ligne. Un autre intérêt, et pas le moindre, est de nous inviter à une réflexion didactique sur deux notions importantes, bien que peu traitées jusque là sous l'angle de l'information-documentation.