Commentaire
Présentation de la fiche
- Fiche de préparation assez longue, correspondant à environ huit pages imprimées, dont près de la moitié est consacrée à la présentation des objectifs.
- Le déroulement de la séquence proprement dit, bien que découpé en trois parties correspondant aux trois séances qui la composent, nous a semblé assez difficile à saisir pour différentes raisons :
- des encarts grisés présentant les ressources parsèment le déroulement sans qu'il soit précisé à quel moment celles-ci doivent être utilisées ;
- des indications manquent pour différencier les moments expositifs des moments dialogués avec la classe ;
- l'item « Explication objectif », utilisé pour les trois séances, nous a paru ambigu dans sa formulation, tantôt correspondant à l'exposé de contenus (S1, S2), tantôt à la présentation de consignes pour la production finale (S3) ;
- deux outils didactiques manquent : la fiche élève en S2, la liste de critères pour l'évaluation en S3.
Le descriptif que nous avons proposé ci-dessus, à partir de l'analyse de la séquence, est par conséquent approximatif par endroits.
- De nombreuses ressources, en revanche, sont disponibles pour étayer le cours, seconder l'enseignant et soutenir le travail des élèves.
- Enfin, signalons qu'une deuxième fiche de préparation suit la première pour proposer une adaptation, assez différente, de la séquence pour le niveau CAP.
Déroulement de la séquence
- Les trois séances composant la séquence ont des vocations bien distinctes quoique complémentaires. La première séance a pour but de définir les termes du sujet ( hoax, canular et rumeur) et d'observer différents exemples. La deuxième fournit une méthode pour décrypter des fausses informations et en comprendre les mécanismes. La troisième, enfin, fait prendre conscience de la démarche utilisée lors d'une étude de cas en incitant les élèves à expliquer leur travail au moyen d'une production numérique.
Méthode pédagogique
- Les deux premières séances sont bâties sur un modèle identique, commençant par un exposé des savoirs visés, suivi d'une activité d'application et se terminant par une mise en commun établissant une généralisation. Ces deux séances suivent une méthode pédagogique expositive, mais tandis que le première est orientée vers des savoirs déclaratifs ( hoax, canular, rumeur), la seconde délivre des savoirs procéduraux (comment évaluer une information, comment être vigilant, comment décrypter).
- La troisième séance est un prolongement de la deuxième, tant sur le contenu qui porte sur le décryptage d'une information que sur la démarche que l'élève est amené à conscientiser en l'expliquant pour la communiquer via une production documentaire.
Objectifs d'apprentissage
- Près de la moitié de la fiche de préparation est dédiée à la présentation des objectifs. Nous avons ainsi relevé quelques 53 énoncés d'objectifs pour une séquence de six heures ! Ces énoncés sont distribués à différents endroits de la fiche, dans les rubriques « Cadre », « TICE » et surtout « Descriptif ». On en retrouve également dans le déroulement de la séquence. Ils sont regroupés sous des appellations variées, comme « objectifs », « objectifs pédagogiques », « objectifs en lien avec la taxonomie de Bloom », « compétences documentaires », etc. Cette pléthore d'énoncés semble suivre une tendance actuelle et, outre le fait qu'elle nuise à la crédibilité de la séance par la confusion qu'elle installe, traduit sans doute un malaise professionnel lié à la nécessité dans laquelle se trouvent certains collègues de pallier l'absence de programme en Information-Documentation.
- Pour autant, tous ces objectifs ne sauraient remplir la même fonction, et fort peu d'entre eux s'avèrent spécifiques à la séquence. Les autres servent généralement d'autres buts. Voici une typologie des objectifs qui permet d'y voir un peu plus clair dans la proposition présente :
- Afin de se dégager de cette inflation descriptive, sans doute est-il préférable de repérer les principaux objectifs dits d'apprentissage, dont les énoncés ont été forgés pour convenir le plus précisément possible à la séquence. Nous ne retenons ainsi dans le tableau ci-dessous que deux objectifs généraux, présentés tout au début de la séquence, et six objectifs spécifiques relatifs aux trois séances :
Le premier énoncé de la séance 2 nous semble toutefois, dans sa formulation, correspondre davantage à un objectif de type pédagogique. On peut se demander, en effet, qui, de l'enseignant ou de l'élève doit « expliquer ete démontrer ».
- Relevons enfin deux formulations qui nous paraissent étranges :
- « Créer une fausse information »
- « Expliquer et démontrer qu'une information textuelle ou iconographique est digne de confiance. »
Ces deux énoncés se trouvent dans l'encart réservé aux « objectifs en lien avec la taxonomie de Bloom ». Le second, allant contre le motif général de la séquence, est sans doute le produit d'une contraction maladroite du premier énoncé de la séance 2 (voir tableau ci-dessus). Le premier, par contre, nous semble tout à fait discutable dans son intention.
- Notre proposition (lire ci-dessus dans « Savoirs visés ») s'attache à rendre compte des apprentissages essentiels réellement développés dans cette séquence, du moins au travers de la lecture de cette fiche de préparation, et à les formuler, nous l'espérons, de manière plus simple et plus précise.
Didactisation du savoir
- Outre les 53 énoncés d'objectifs relevés, nous remarquons 11 notions info-documentaires qui sont présentées dans la partie dédiée au déroulement de la séquence. Elles ne sont associées qu'aux deux premières séances. Nous pouvons ainsi compléter le tableau précédent pour obtenir une vision plus large :
Pour autant, la lecture de la fiche pédagogique donne l'impression que ces notions n'apparaissent qu'en filigrane et ne sont pas travaillées, à l'exception de « Désinformation », effectivement traitée dans la séance 1, de « Évaluation de l'information » et de « Source » - et sa typologie – qui sont travaillées en collectif dans la séance 2 aux points 2.1 et 2.3. Il est possible de se faire une idée des contenus abordés pour la première notion au travers de l'outil didactique réservé à l'enseignant (OD 1). « Désinformation » y est saisi au travers de la définition de trois types de fausse information : hoax, canular et rumeur. Par contre, ni la définition attendue ni les caractéristiques des deux autres notions ne sont précisées.
- La notion « Désinformation », au sens général présenté par Eric Sutter (1998), constitue l'un des quatre risques – appelés info-pollutions- que nous courrons dans notre rapport à l'information, à cause également de sa surabondance, de sa prolifération souvent indésirable et des abus et effets pervers de la publicité. Toutefois, à y regarder de plus près, il est difficile de faire de « Désinformation » le parfait générique de « Rumeur », « Hoax » et « Canular ». « Désinformation » et « Rumeur » se différencient notamment dans la mesure ou la première participe d'une intention délibérée de tromper sa cible pour la manipuler, ce qui n'est pas forcément le cas de la seconde qui, de plus, ne concerne pas que de fausses informations et dépend essentiellement du public pour assurer sa diffusion. Corroy et Gonet (2008) ajoutent que « lorsque ces rumeurs sont ludiques, proches du canular, elles sont appelées hoax sur la Toile ». Nous proposons par conséquent de nous en tenir, s'agissant de l'étude et des exemples traités dans cette séquence, aux notions « Désinformation » et « Rumeur ». Leurs caractéristiques, en tant que composants logiques et sémantiques sur lesquels s'appuyer pour construire progressivement une notion, sont bien décrites dans le Wikinotions de l'APDEN, produisant des « niveaux de formulation » que l'enseignant peut attendre des élèves en fin de séquence :
Ce tableau concerne le niveau débutant. Pour le niveau avancé, consulter les fiches du Wikinotions.
- Concernant la notion « Source », que l'activité de la séance 2 prédispose à construire, il suffirait également de se tourner vers les caractéristiques énoncées dans le Wikinotions et que nous rappelons ici :
- Niveau débutant :
- est à l’origine de l’information ;
- produit un type d’information
- fonde la validité de l’information
- Niveau avancé :
- produit un discours
- procède d’une intention
- produit de l’information
- diffuse de l’information
Une carte regroupant les différents types de sources rencontrées dans l'activité par les groupes pourrait être élaborée lors de la mise en commun. Rapporter chaque type de source à une intention de communication particulière permettrait en outre de réfléchir à la véridicité des sources, notion qui nous paraît au cœur de la problématique de l'évaluation de l'information.
- Enfin, si la notion « Évaluation de l'information » est traitée au début de la séance 2 (2.1.), aucune de ses caractéristiques n'est précisée bien qu'une carte regroupant les critères d'évaluation de l'information ait été établie en commun. Se référant aux quatre critères fondamentaux de la notion identifiés par Alexandre Serres (2012) : Autorité, Crédibilité, Qualité, Pertinence, nous estimons que les deux premiers seraient les plus utiles s'agissant de la désinformation et de la rumeur. La notion « Autorité » tout particulièrement, ou plus exactement « Autorité informationnelle » (Broudoux, 2006), nous paraît essentielle dans ce cas, puisqu'elle conduirait les élèves à s'interroger et à investiguer sur :
- l'autorité énonciative, ou autorité personnelle de l'auteur, jugée selon sa réputation, sa notoriété, ses publications ;
- l'autorité de contenu, jugée par le genre éditorial, la qualité de l'information, le nom de domaine, le paratexte, les sources mobilisées ;
- l'autorité de support, appréciée par le type d'outil de publication (site, blog, forum, réseaux sociaux...) ;
- l'autorité institutionnelle, estimée par le groupe (réseau, blogosphère) ou l'institution qui légitime l'auteur.
- Nous avons donc retenu, pour cadre notionnel de cette séquence, les notions suivantes :
- Désinformation
- Rumeur
- Source
- Autorité informationnelle
Structuration des connaissances
- La fiche de préparation ne fait pas mention de moments particuliers alloués à la structuration des connaissances visées dans la séquence. On pourrait cependant considérer que la dernière séance, dédiée à l'élaboration d'un document de présentation des travaux, offre à l'élève la possibilité d'un retour réflexif à la fois sur sa démarche et sur son apprentissage. La fiche ne précisant pas les consignes données aux élèves ni les critères d'évaluation, il est impossible de savoir si ceux-ci sont incités à remobiliser et à verbaliser les connaissances à intégrer au-delà des cas particuliers qu'ils ont eu à traiter.
- Une reprise de cette séquence pourrait ainsi s'attacher à faire de cette production documentaire un véritable outil pour la structuration cognitive. Il faudrait alors donner pour consigne d'utiliser et de mettre en évidence les caractéristiques des notions travaillées qui ont permis le décryptage de l'information, mais également d'en expliciter l'intérêt et de tendre en guise de conclusion vers une synthèse axée sur la généralisation des principes suivis.
Évaluation des apprentissages
- Une évaluation sommative est proposée qui prend appui sur la production documentaire des groupes. Il est fait mention à deux reprises d'une « fiche de critères » mais qui n'est malheureusement pas donnée à consulter. Dans l'encart « ressource » de la séance 3, deux critères sont cependant livrés : « objectif clair, créativité ». Cet aperçu laisse penser que l'évaluation porterait davantage sur la compétence de communication que sur les apprentissages réalisés pendant la séquence. Si le premier critère ne nous apparaît pas explicite, le second laisse en effet imaginer que la priorité est accordée à la stratégie de communication et aux effets induits par les outils numériques.
- Par ailleurs, il semble que ces critères soient apportés par l'enseignant et non pas définis avec les élèves comme ce pourrait être le cas d'une évaluation formatrice (Nunziati, 1990). Ce type d'évaluation favorise en effet l'appropriation des critères de réussite par les élèves dans le cas de semblables productions documentaires.
- De même, la fiche ne précise pas à quel moment est distribuée cette fiche de critères. Le fait que les élèves en aient connaissance avant de se mettre à réaliser le document ou une fois celui-ci achevé est un élément essentiel à prendre en considération. Nous proposons que la fiche soit remise et discutée en amont de la production.
- Enfin, la fiche indique que cette évaluation est réalisée par les pairs, mais sans préciser si elle est complétée par celle de l'enseignant et si les pairs disposent ou non de la fiche de critères. Cette modalité nous semblerait intéressante dans la mesure ou elle serait encadrée, d'une part par les critères qui ont guidé la production, et d'autre part par des consignes qui conduiraient les élèves évaluant à argumenter et à verbaliser individuellement leur appréciation. L'évaluation par les pairs ne dispense pas de celle de l'enseignant qui, en plus de mesurer les apprentissages réalisés, évalue la portée pédagogique de la séquence. Les élèves ont besoin de ce retour expert pour estimer la plus-value de leurs acquisitions que seul l'enseignant peut leur fournir.
Conclusion
- Dans une période qui voit la multiplication d'attentats terroristes, l'institution scolaire, depuis janvier 2015 notamment, appelle les acteurs à former les élèves à développer un regard informé et critique sur les informations et les sites véhiculant des discours complotistes et intégristes. Cette séquence apparaît donc opportune dans son projet de fournir aux élèves des connaissances et des procédures pour décrypter les messages porteurs de fausses informations. Si de nombreuses autres propositions apparaissent aujourd'hui qui suivent la commande institutionnelle, celle-ci nous est apparue particulièrement intéressante pour les nombreuses ressources qu'elle indique et pour la stratégie qu'elle met en place. Afin de d'en tirer un meilleur parti dans le cas d'une réappropriation, nous avons tenté d'en lever les principales ambiguïtés et zones d'ombre et appelons notamment à une clarification des objectifs et des outils didactiques.