Commentaire
Présentation de la fiche
- La fiche se présente sous une forme assez traditionnelle et se prête facilement à la lecture. Nous pointerons dans le chapitre suivant les quelques confusions que nous avons cru déceler afin de contribuer à son amélioration le cas échéant.
- D'un point de vue formel, nous nous étonnons de voir que la partie TICE soit placée en premier lieu et qu'il faille chercher dans la partie « descriptif » les objectifs info-documentaires de la séquence. Mais la vocation du site et du projet MoocDocTice en sont certainement l'explication, l'enseignement info-documentaire étant jugé secondaire au regard des outils numériques.
- Nous estimons la durée de la séquence à 5 h. La fiche présente trois séances mais n'indique une durée que pour la séance 1, prévue en 2 h. Il est possible que la séance 2, requérant la manipulation d'un outil d'édition, demande également 2 h., ce qui porterait la durée totale à 5 h.
- Noter enfin que cette séance a été publiée par ces deux auteurs dans le dossier pédagogique CLEMI, édition 2015, de la 26ème semaine de la presse et des médias à l'école : 23-28 mars 2015 (p. 8).
Déroulement de la séquence
En même temps que nous présentons sommairement la séquence, nous pointons les difficultés de compréhension que nous avons relevées dans un souci de clarification pour une bonne utilisation de cette fiche.
- La séquence se déroule en trois parties bien distinctes, la première exposant l'objet de l'étude, la deuxième mettant les élèves en situation d'écriture via la production d'une infographie et la troisième les plaçant en situation inverse de lecture et la production d'un texte.
- Séance 1 : Venant après l'exposé de l'enseignante, l'activité proposée se présente comme une application du cours. A partir d'un matériau réel, un ensemble de journaux (M 1), les élèves doivent repérer des infographies de presse et les prélever pour ensuite les présenter à la classe. Mais la consigne exacte n'est pas précisée sur la fiche, ni le but de la mise en commun. Par ailleurs, une planche d'étiquettes (M 2) est fournie pour cette activité et porte en titre « Nature des infographies ». Cependant les étiquettes portent le nom d'éléments graphiques qui viennent composer les infographies, comme « plan » , « diagramme », « schéma » ou « tableau », ce qui ne correspond pas au titre. En effet, plusieurs éléments graphiques différents peuvent venir composer une seule et même infographie. Une consigne manque donc pour savoir si les élèves doivent effectuer un classement selon les natures des infographies (mais lesquelles?) ou simplement pointer les éléments qui les composent. Qui plus est, la phase de présentation de la séance (S1-1) indique « réalisation d'un tableau comparatif de différentes infographies ». Sur quelles bases cette comparaison doit-elle s'effectuer et pour dégager quelle(s) caractéristique(s) de la notion ? Enfin, le jeu d'étiquettes à découper (M 2) fournit aux élèves des « étiquettes-chevalet » devant les aider à présenter leur travail. Cette présentation doit donc se faire sur un plan horizontal, ce qui ne semble pas constituer une solution commode pour une présentation à la classe. Des indications pratiques seraient ici les bienvenues.
- Séance 2 : L'activité de production d'une infographie est au cœur de cette séance. Si la durée n'est pas précisée, il est toutefois prudent de prévoir deux, voire trois heures, tant la maîtrise de l'outil d'édition et le choix des éléments graphiques est chronophage. Comme dans la séance 1, l'activité est précédée de deux moments d'exposition de savoirs. Le premier est de nature méthodologique : comment sélectionner l'information principale d'un texte qui doit être valorisée dans une infographie. Cette compétence informationnelle est importante et réclame des capacités de repérage, de compréhension, de sélection et de traduction d'une littératie (texte) à une autre (icono-textuelle), ce qui confère à cette séquence une réelle dimension translittératique. La fiche indique que l'enseignante procède devant la classe à « l'analyse rapide d'une dépêche » (S2-2) mais ne nous livre pas les conseils qui sont donnés à cette occasion. Par ailleurs, la fiche élève « Réalisez votre infographie ! » (FE 1), qui présente la méthode comme un chemin à suivre jalonné d'étapes, précise pour cette étape de repérage-sélection (étape n°2) qu'il faut se reporter au « mode d'emploi distribué ». Mais ce document ne figure malheureusement pas parmi les fichiers à télécharger de la séquence. Il faut donc se préparer à combler cette lacune avant de reprendre cette séquence.
- Séance 3 : l'activité de production d'un texte écrit à partir d'une infographie vient compléter ici celle de l'activité de la séance 2. Écriture et lecture sont en effet indissociables mais c'est le jeu translittératique, de transposition d'un code dans un autre, qui est ici le plus intéressant. On peut juste se demander si cette activité d'analyse et de rédaction d'une brève ne devrait pas être proposée avant l'activité d'élaboration d'une infographie. Les difficultés liées à la sélection et à la valorisation des informations seraient peut-être ainsi amoindries et la représentation du but plus présente dans l'esprit des élèves.
Objectifs d'apprentissage
Les trois objectifs d'apprentissage indiqués nous semblent bien correspondre aux tâches proposées (voir cependant notre reformulation plus haut). Ils sont centrés sur la notion Infographie de presse, équilibrant le déclaratif (définition, fonction, exemples et contre-exemples) et le procédural (repérer, lire, analyser, produire).
Didactisation du savoir
- A « infographie », certains préfèrent utiliser le terme « infographie de presse » pour dénommer la notion. En effet, l'infographie est un générique qui se réfère au champ très large des images de synthèse , lesquelles sont utilisées dans des domaines très variés (cinéma, médecine, art, armée, etc.) pour produire des objets qui n'ont que très peu de rapport avec ces infographies dont les médias se servent pour communiquer de l'information journalistique, le plus souvent de nature statistique ou documentaire (voir Seguier, 2013). Nous trouvons ainsi dans les documents professionnels les appellations de graphisme d'information et d'infographie de presse pour les distinguer des autres. Il n'en demeure pas moins que ce type de document n'est pas utilisé que dans la presse, mais par d'autres médias (édition, télévision, web) pour traiter de domaines variés (éducation, économie, géographie, etc.). On pourra donc préciser « infographie de presse » lorsque le contexte s 'y prête, notamment dans le cadre du journalisme de données ( data journalism ).
- Cette séquence ne nous semble pas travailler d' autres notions info-documentaires qu'Infographie de presse. C'est bien dommage tant ce type de document croise de nombreuses autres notions info-documentaires d'importance. Ainsi :
- Type d'information : Information journalistique et Information statistique (contenues dans les brèves, les dépêches et les infographies de presse)
- Forme d'information : Information textuelle (cas des brèves et des dépêches) et icono-textuelle (cas des infographies de presse) : le composé « info » - « graphie » parle de lui-même (de l'information en graphes ou des graphes pour informer)
- Type de document (brève, dépêche, infographie de presse)
- Communication (fonction de l'infographie de presse)
- Support (des infographies de presse) : imprimé (cas des journaux) et numérique (cas des documents projetés et en ligne)
- Donnée informationnelle (correspondant bien aux informations statistiques souvent contenues dans les infographies de presse)
- Outil graphique (texte, tableau, liste, graphique, diagramme, carte, frise, etc.) Pensons à La raison graphique de Jack Goody !
Même si ces notions ne sont pas travaillées pour elles-mêmes, il serait intéressant que les termes qui les désignent soient employés tout au long de la séquence afin de bien asseoir la notion visée dans le domaine spécifique de l'information-documentation. Faute de quoi, nous percevons dans cette absence de positionnement épistémologique le tropisme transversal soutenu par le CLEMI, par exemple. Or, toute discipline s'inscrit dans un champ épistémologique particulier, comprenant un vocabulaire et un réseau notionnel spécifiques du domaine d'étude concerné. La notion Infographie touche les notions de Document, d'Information, de Média et de Communication. Elle participe pleinement des littératies informationnelles, numériques et médiatiques et, à ce titre, est un objet à part entière de l'information-documentation, de même qu'un objet culturel appartenant au champ des cultures de l'information.
Méthode pédagogique
Le modèle général des trois séances est celui du couple exposition/application. Dans la première séance, on présente le savoir a priori avant de proposer une activité de tri et de classement qui mobilise les contenus qui viennent d'être abordés en cours. La séance 2 est bâtie de la même manière, présentant en premier lieu une méthode et un outil technique qu'il s'agira d'exploiter dans l'activité de production qui suit. La séance 3, enfin, repose sur les savoirs méthodologiques de la séance 2. Par conséquent, la méthode pédagogique employée nous semble être expositive et déclarative pour la séance 1, puis expositive et procédurale pour les deux suivantes.
Structuration des connaissances
La fiche n'indique pas de moments pour la structuration des connaissances en cours d'acquisition par les élèves. Des temps propices devraient avoir lieu pendant les phases de mise en commun qui suivent chacune des trois activités. Ils devraient permettre de passer de la contextualisation des cas concrets à la décontextualisation qui est nécessaire pour appréhender la généralisation et l'abstraction. Mais rien n'apparaît dans la fiche. On ne connaît donc pas le but exact que se fixent les enseignantes lors de ces partages d'expérience, ni les moyens qu'elles utilisent pour faire accéder les élèves à la construction de la notion.
Institutionnalisation
Généralement, la phase d'institutionnalisation voit la parole de l'enseignant valider, en tant que représentant de l'institution éducative et de manière symbolique, la connaissance construite collectivement par les élèves au terme de la mise en commun. Cette intervention du professeur, garant des savoirs que transmet l'école, clôt en quelque sorte l'épisode d'émergence du savoir scolaire de référence qui était visé par la séance et qui reste l'aboutissement des travaux de groupe, de leur présentation et du débat qui a pu être suscité.
Mais cette parole symbolique, expression de l'autorité du savoir, est ici remplacée par un outil numérique qui offre une présentation animée de forme ludique ( Powtoon ). Déjà, des capsules vidéo numériques tendent à remplacer le cours de l'enseignant dans le modèle des classes inversées. Les consignes pourraient – et c'est peut-être déjà le cas – également être délivrées via des outils de présentation. Pensons-nous que les élèves seraient plus attentifs à des écrans qu'à des personnes ? Qu'avons-nous à gagner à devenir, aux côtés des élèves, les spectateurs d'une mise en scène médiatisée et médiatique du savoir ?
Évaluation des apprentissages
- Une évaluation individuelle des apprentissages est prévue à la fin de cette séquence sous forme d'un questionnaire reprenant point par point l'exposé réalisé au début du cours. Il prend la forme d'un QCM et ne peut donc donner qu'une évaluation peu précise des acquisitions réalisées. Elle permet cependant aux élèves de récapituler les points essentiels de la séquence.
- Une autre proposition aurait été possible, pourquoi pas complémentaire à celle-ci, qui aurait consisté à faire préciser par écrit, et en utilisant un vocabulaire adapté, certains points du travail effectué pendant ces activités et certaines caractéristiques de la notion travaillée. Le passage par la verbalisation et la rédaction, on le sait, favorise la structuration de la pensée et l'agrégation des éléments de connaissances rassemblés pendant le cours. Les énoncés langagiers ainsi produit permettent également à l'enseignant une analyse plus fine des progrès réalisés que de simples cases à cocher.
Conclusion
L'infographie, et notamment l'infographie de presse, au carrefour des littératies informationnelle, médiatique et numérique, est un objet notionnel très intéressant et très riche. Cette séquence ouvre les portes de sa didactisation et propose déjà trois activités incontournables pour l'appréhender : l'observation, l'analyse et la production. Qui plus est, de nombreux outils didactiques et idées de matériaux sont mis à la disposition des collègues qui ne manqueront pas de suivre cet itinéraire de pionnier. Ceux qui s'y aventureront gagneraient par contre à prolonger le travail didactique sur la construction de la notion elle-même, travail qui n'est qu'à peine ébauché ici.