Analyse de "24- Une année avec Google (suite)" (2008)

http://documentation.spip.ac-rouen.fr/spip.php?article192

Cadre

Niveau(x) 2nde
Durée2 h.

Savoirs visés

Notion(s) Moteur de recherche Indexation automatisée Classement des résultats
Savoirs théoriques
  • Comprendre pourquoi Google est le moteur le plus utilisé.
  • Comprendre comment le moteur de recherche Google traite une requête.
  • Comprendre comment le moteur de recherche Google classe les résultats d'une requête.
Savoirs normatifs
  • Développer une attitude critique vis-à-vis des outils de recherche d'information.
Évaluationsans

Enseignement

Scénario

A partir d'un constat des pratiques des élèves émergent des représentations sur le fonctionnement du moteur de recherche Google. Un dialogue avec la classe et des exercices guidés permettent de réfuter ces représentations et de construire de nouvelles connaissances.

Méthode(s) pédagogique(s) active : investigation interrogative : contradictoire
Descriptif

Séance 1 : comment le moteur traite une requête.

  • Introduction  : sensibilisation et détermination de l'objet d'étude, Google.

    1. Constat : les élèves ont tous utilisé Google pour faire une requête.
    2. Question : Pourquoi cette unanimité  ?
    3. Émergence des représentations : les élèves argumentent leur choix pour le justifier.
    4. Réfutation : D'autres moteurs répondent également à ces besoins.
    5. Réponse : Les arguments de visibilité et de notoriété sont seuls reconnus.
  • Activité  : comment le moteur traite une requête.

    1. Constat : les élèves composent des requêtes différentes, lesquelles sont toutes traitées par Google.
    2. Question : comment Google traite ces requêtes  ?
    3. Émergence des représentations : hypothèses proposées par les élèves. Un bêtisier des requêtes (diapo) est projeté.
    4. Réfutation : des requêtes fantaisistes démontrent que le moteur travaille sur des chaînes de caractères.
    5. Réponse (par exposition du savoir) : schéma explicatif du fonctionnement du moteur (diaporama)
  • Structuration : renseignement d'un schéma de fonctionnement du moteur (fiche élève 3/3).

  • Application : Exercices d'observation à partir de requêtes utilisant des syntaxes différentes (fiche élève 1/3).

Séance 2 : comment le moteur classe les résultats.

  • Mise en activité :

    1. Constat : des expérimentations par eye-tracking révèlent que les trois premiers résultats des pages sont les plus lues par les internautes (diapositives).
    2. Question : quels sont les critères de classement des résultats d'un moteur  ?
    3. Présentation de l'activité d'investigation
    4. Hypothèses : des hypothèses sont émises par les élèves
  • Activité : trois hypothèses sont traitées en s'appuyant sur des exercices d'observation (fiche élève 2/3) qui font apparaître les notions d'indices de pertinence et de popularité (de premier et de second niveau).

  • Exposition du savoir : lors des mises en commun suivant les exercices, l'enseignant complète les réponses pour faire découvrir de nouvelles notions :

    • mode de financement du moteur (liens sponsorisés)
    • le référencement et les stratégies de positionnement
    • la fréquence de mise à jour des pages
  • Structuration : à partir d'une question sur l'évaluation des résultats obtenus lors d'une recherche d'information de type scolaire.

Outil(s) didactique(s)
  • Support du cours : diaporama

Apprentissage

Démarchedialectique, inductive
Tâche

A partir d'exercices guidés portant sur la page de résultats du moteur, comprendre comment il traite les requêtes (séance 1) et classe ses résultats (séance 2).

Matériau(x)
  • page de résultats
  • pages web
Fiche(s) élève(s)
  • Fiche-guide (2) : exercices d'observation
  • Outil de structuration des connaissances (schéma du fonctionnement d'un moteur)

Commentaire

1. Enjeux didactiques

Le moteur de recherche est un objet informationnel relativement nouveau, apparu en 1994 (Aliweb), soit quatre ans avant Google. Sans même prendre en compte l'entreprise Google elle-même et les innombrables services logiciels qu'elle propose, le moteur qui en est l'icône suffit à asseoir la reconnaissance insurpassable de la marque. Il est devenu pour la grande majorité de nos élèves, en France, l'unique porte d'entrée sur le web. Une porte d'entrée tellement familière qu'elle n'est jamais interrogée, laissant ainsi totalement libre le champ de l'imaginaire et des représentations relatives non seulement à son mode de fonctionnement, mais encore à son modèle économique et à ses ambitions stratégiques. Frédéric Rabat, l'auteur de cette séance pédagogique, avait justement introduit celle-ci en 2008 avec un article fort remarqué sur la démythification nécessaire de cet ennemi intime que représentait alors bien souvent Google pour les professeurs documentalistes agacés des pratiques aveugles de leurs élèves en matière de recherche d'information en ligne.

Décidant d'en faire un objet d'étude en information-documentation, il prit le pari didactique de ne pas suivre l'entrée méthodologique classique visant à former les élèves à la meilleure utilisation possible du moteur, mais chercha plutôt à aborder l'outil en lui-même et à le comprendre à partir de l'observation méticuleuse de son fonctionnement. C'est en ces termes qu'il se posait cette question en prologue de l'article : Comment le professeur documentaliste peut-il aujourd’hui aborder de front un outil technique très répandu comme Google pour en extraire des notions info-documentaires ? Mais qu'on ne s'y trompe pas : cette entrée conceptuelle n'est en aucun cas abstraite ni décontextualisée. Elle est tout au contraire fondée sur une observation concrète de la mécanique de l'outil, elle part des pratiques bien attestées des élèves et elle est au service de la compréhension de l'un des outils intellectuels les plus usités au quotidien.

C'est cette connaissance de l'outil qui, seule, peut permettre à l'élève non seulement de s'émanciper de son emprise monopolistique, mais encore de reprendre le contrôle sur son activité documentaire.

Cette initiative originale, qualifiée de courageuse à une époque qui n'est pourtant pas si lointaine, et plus encore la qualité du travail présenté, furent très remarqués et ont montré à beaucoup la voie à suivre pour la didactisation des objets info-documentaires.

2. La didactisation des savoirs

L'un des intérêts de cette publication est de ne pas se limiter à la présentation d'une séquence mais de montrer le travail didactique de l'enseignant documentaliste en amont. A l'heure où encore aucun programme institutionnel spécifiquement dédié à l'information-documentation n'est disponible, il appartient toujours à la profession d'en construire pierre à pierre les fondations. C'est ce qui rebute les uns ou stimule les autres. Il faut alors, ainsi que nous le montre ici Frédéric Rabat, faire œuvre de transposition didactique, en recherchant des textes de références à partir desquels sélectionner des savoirs qui pourraient devenir, moyennant un traitement didactique, d'éventuels objets d'enseignement-apprentissage, que l'on appellera des savoirs scolaires.

Partant de ces lectures dont les références sont données, trois axes sont choisis qui correspondent aux trois modules caractérisant le fonctionnement du moteur de recherche :

A partir de l'analyse de ces trois processus sont identifiées 14 notions info-documentaires pouvant faire l'objet de savoirs scolaires : page web, serveur de données, formulaire de recherche, mots-clés, chaînes de caractères, recherche en texte intégral, « spider » (robot de collecte), robot d’indexation, calcul de densité, indice de popularité, classement des résultats, positionnement automatique, positionnement payant, économie des moteurs de recherche.

Toutefois, toutes ces notions ne peuvent être abordées sur le même plan et elles devront faire l'objet d'une hiérarchisation au service de notions principales.

Si elles peuvent paraître nombreuses, il faut avoir à l'esprit qu'elles servent à décrire ce phénomène complexe et spécifique qu'est l'organisation a posteriori du web. Elles apportent à l'élève, outre des concepts utiles pour s'approprier ces mécanismes, un vocabulaire spécialisé permettant de rendre compte de ce qui lui arrive dans son rapport à l'information à chaque fois qu'il s'en remet à un automate subtilement paramétré comme l'est Google.

Notons enfin que ce processus de didactisation se fait ici en entrant par un objet technique et en s'appuyant sur des pratiques usuelles. L'effort d'acculturation dont doit faire preuve la profession pour conduire et maîtriser cette didactisation est important, compte tenu du manque d'outils didactiques institutionnels et même éditoriaux. Mais ces travaux ont commencé ici et là et il est aujourd'hui possible de reprendre et de prolonger de telles initiatives à partir de l'expérience des uns et des autres.

3. La méthode pédagogique

La méthode interrogative est largement employée pour assurer la dynamique de cette séquence de deux heures. Cependant, l'examen de cette dynamique fait apparaître deux modalités propres à chacune des deux séances, la première s'appuyant sur la réfutation, la seconde sur l'investigation.

Deux temps partagent la première séance  : l'introduction qui précise l'objet d'étude (le moteur Google) et l'activité proprement dite dédiée à la compréhension du travail de la requête effectué par le moteur. Or on remarque qu'un même dispositif pédagogique est à l’œuvre dans ces deux temps. Il est découpé en cinq étapes :
1. Un constat : celui des pratiques des élèves
2. Une question : découlant du constat, elle crée une attente facteur de mobilisation
3. L'émergence des représentations : elle prend corps dans les efforts des élèves à justifier leurs pratiques
4. La réfutation : l'enseignant dénie ces arguments en prouvant leur invalidité
5. La réponse à la question : elle s'opère soit par la démonstration, soit par l'exposition d'un nouveau savoir.

Cette procédure traduit en actes une pensée constructiviste selon laquelle il importe de déconstruire les représentations obstacles avant de proposer de nouvelles connaissances. La présentation des savoirs, à l'inverse des méthodes transmissives, vient ici a posteriori pour répondre à la question en amont de l'activité. La leçon, comme le rappelait Jean-Pierre Astolfi, doit toujours être une réponse apportée à une question. Nous remarquons ainsi que toute la séquence est jalonnée de questionnements qui stimulent la curiosité des élèves et orientent le travail.

La technique de la réfutation, largement employée ici, a avant tout pour finalité d'instiller le doute dans l'esprit des élèves. Ce doute concerne les pratiques des élèves, lesquelles apparaissent, comme le souligne l'auteur, souvent parcellaires et stéréotypées. La réfutation est donc fort bien employée à cet endroit précis de l'utilisation de Google où les élèves se sentent en position de force, certains de bien maîtriser un outil aussi familier et risquant par conséquent de rejeter le cours.

La séance 2 est conduite d'une manière sensiblement différente, substituant les phases d'émergence des représentations et de réfutation par celles d'émission d'hypothèses et d'investigation  :
1. Constat
2. Question 
3. Émission d'hypothèses
4. Investigation
5. Réponse à la question et prolongements

Cette technique se revendique de la démarche dite d'investigation, laquelle fait en sorte que l'élève recherche des solutions à un problème ou à une question mise en évidence au préalable. Cependant, la démarche semble ici nettement cadrée puisque l'on remarque que les hypothèses sont fortement suggérées par le maître et non imaginées par les élèves d'une part, et que l'investigation proprement dite est également soutenue par des exercices préparés par l'enseignant (fiche élève 2/3) d'autre part.

Suite à ces activités, où l'élève est invité à consigner le résultat des observations qu'il a faites par confrontation des pages web et de leur classement sur la page de résultats, il est évident qu'une mise en commun a eu lieu, bien qu'elle ne soit pas précisée sur la fiche. C'est à partir de celle-ci que l'enseignant apporte des compléments notionnels étayés par des démonstrations.

4. Les objectifs d'apprentissages

Nous avons déjà relevé le grand nombre de notions convoquées pour cette séquence riche traitant d'un objet complexe et avons observé qu'elles devraient être regroupées, pour une plus grande clarté, autour d'axes principaux. Remarquons encore que la fiche ne fait pas mention des objectifs d'apprentissages qui sous-tendent la séquence. Si celle-ci parle d'elle-même, une formulation appropriée permet cependant d'y entrer plus facilement et de s'en tenir à l'essentiel.

Nous appuyant sur la spécificité bien marquée des objets traités pendant ces deux séances, nous proposons le regroupement suivant :

5. L'évaluation des apprentissages

La méthode d'évaluation des apprentissages n'est pas indiquée sur la fiche. On peut cependant imaginer que la fiche élève demandant aux élèves de compléter le schéma du fonctionnement de Google (2/3) peut servir de support à une évaluation formative, si elle est accompagnée, ou sommative, si elle est distribuée à la fin de la séquence.
Proposons encore la rédaction d'un petit texte explicatif de ce fonctionnement en appui du schéma afin de vérifier la bonne structuration des notions mobilisées.

Il est encore possible d'imaginer un exercice réflexif à partir d'une situation concrète au cours de laquelle les élèves auraient à expliciter, en situation, le référencement et le placement d'un résultat de recherche suite à une requête donnée.

Les relations de causalité entre les couples requête/résultat (indexation) et résultat/page web (classement) peuvent d'ailleurs occasionner de multiples situations nécessitant la mobilisation et la structuration des notions traitées lors de cette séquence.

6. Le niveau curriculaire et la progression des apprentissages

En l'absence de programmation des savoirs de l'information-documentation, il est fréquent de retrouver à différents niveaux de la scolarité des apprentissages similaires. Il en est ainsi de cette séance sur le fonctionnement des moteurs qui est dédiée ici à des élèves de 2nde, mais que l'on peut retrouver proposée à différents autres niveaux. La question se pose alors du meilleur moment possible pour placer un apprentissage dans le cursus de l'élève.

Concernant la connaissance du fonctionnement des moteurs, DocpourDocs s'est penché en mars 2013 sur la question de « Comment enseigner Google à l'école ? ». Considérant également que cet apprentissage doit être principalement réalisé au collège, nous rejoignons les réflexions qui sont émises sur les grandes lignes d'une progression possible. En complément, nous proposons à l'examen et à l'expérimentation une progression de la 6ème à la 3ème qui est articulée autour des notions d'indexation (6ème), de classement des résultats (5ème, 4ème) et de référencement (3ème) . Nous ajoutons à ce niveau 3ème quelques connaissances générales relatives au moteurs de recherche  : histoire, typologie, économie. Cette progression se propose de suivre la complexité croissante du fonctionnement des moteurs (prochainement sur le site Les Trois couronnes).

7. Une invitation aux méthodes actives d'expérimentation

S'agissant de moteurs de recherches tels que Google, il faut bien admettre que les types de matériaux à mettre à la disposition des élèves sont très restreints puisqu'ils sont au nombre de deux : la page de requête (à laquelle s'ajoutent diverses fonctionnalités il est vrai) et la page de résultats. C'est la partie visible de l'outil, l'interface usager, simple dans sa forme, mais à partir de laquelle tout le reste, invisible, doit être mis à jour, dont les trois modules essentiels que sont, rappelons-le, la collecte de données, l'indexation automatisée et la présentation des résultats sous forme d'un classement calculé par un algorithme tenu secret.

Mais cette économie de moyens peut devenir une véritable richesse pédagogique lorsque l'enseignant en fait le levier d'un apprentissage par la manipulation et l'expérimentation. Il n'est qu'à construire avec la classe, comme le fait Frédéric Rabat dans sa séquence, des questions qui font sens pour les élèves et qui, pour être résolues, demandent de se confronter à l'outil en lui faisant subir des tests. Tout essai tenté par l'élève à partir du formulaire de recherche est alors immédiatement assorti d'un résultat qui permet d'affiner l'analyse, d'infirmer ou de confirmer les hypothèses émises.

Le terrain d'expérimentation est celui d'une boîte noire (le moteur) dont on peut chercher à deviner le mécanisme obscur en jouant sur les entrants (les requêtes) et en analysant les sortants (les résultats). Pour ce qui est de la compréhension du classement des résultats, il suffira d'appliquer ce binôme à la triade d'objets « requête / résultats / pages web  ». Au besoin, les élèves pourront chercher et sélectionner des ressources documentaires pour étayer leurs découvertes.

Le travail d'exploration des moteurs de recherche se prête donc parfaitement à un traitement pédagogique sous forme de situations-problèmes ou, pour le moins, d'activités d'investigation.

Conclusion

Cette séquence fait aujourd'hui figure de prototype en ce qu'elle a ouvert les chemins vers des apprentissages raisonnés des phénomènes informationnels du web. Bien des collègues s'en sont inspirés depuis, comme ici dans cette classe de 4ème ou encore là, dans une version enrichie et très bien documentée pour le niveau 2nde où l'on ne craint plus de recourir aux notions info-documentaires pour fournir aux élèves les outils intellectuels de compréhension dont ils ont besoin pour penser leur rapport à l'information et optimiser leurs pratiques. Les trois dimensions de toute didactique trouvent ici leur expression :

Ressource(s)

Ressources didactiques

Ressources scientifiques

site académique

RABAT Frédéric. Une année avec Google (suite). Académie de Rouen, 2008